

Le baiser de Francisco sur le front couvert de tumeurs de Vinicio Riva, l'homme défiguré par la neurofibromatose, a résonné comme un manifeste silencieux. Ce n'était pas de la compassion : c'était la reconnaissance de la dignité humaine incarnée par une image historique. Ce geste, qui a ému le monde entier en 2013, remonte au IVe siècle, lorsque saint Basile a fondé un vaste complexe caritatif à la périphérie de Césarée, qui comprenait un hôpital, une léproserie, un asile, un hospice et un orphelinat.
Le travail de l'Église avec les personnes handicapées n'est pas nouveau, mais il constitue aujourd'hui un phare dans le brouillard d'un monde qui idolâtre l'efficacité, la perfection corporelle et le bien-être individualiste. La récente déclaration du Dicastère pour la doctrine de la foi, "Le travail de l'Église avec les personnes handicapées n'est pas nouveau.Dignitas Infinita"(2024) le proclame clairement : "Un critère pour vérifier l'attention réelle à la dignité de chaque personne est, bien sûr, l'attention portée aux plus défavorisés. Notre époque, malheureusement, ne se distingue pas par une telle attention".
Histoires vraies
Dans un monde qui marginalise souvent la fragilité, l'Église catholique approfondit son engagement envers les personnes handicapées, nous rappelant que la dignité ne dépend pas de l'utilité.
Andrea, 29 ans, est née avec le syndrome de Down et une grave maladie cardiaque. Baptisée dans la caserne de la paroisse Santa María de Caná à Madrid, son prénom comportait "María" en guise de supplique : "Nous étions conscients qu'elle allait avoir besoin de beaucoup d'aide de la part de la Vierge". Aujourd'hui, Andrea est la première femme trisomique à obtenir une ceinture noire de karaté à Madrid (2019), championne d'Espagne en 2022 et 2023, et médaillée de bronze aux championnats d'Europe. Diplômée de l'Université autonome de Madrid grâce à la Fondation Prodis, elle travaille chez Accenture, où, selon sa mère, "elle est intégrée et valorisée. Elle est un pilier important". Sa foi est active : elle participe à la chorale paroissiale et est "une fan du Caris", comme elle appelle le Renouveau charismatique. "Elle est joyeuse, extravertie, très empathique. La vie de famille tourne autour d'elle", se réjouit Beatriz, sa mère, qui résume son combat : "Andrea est un miracle... à l'unité de soins intensifs, nous n'aurions jamais imaginé cela".
Nolan Smithun jeune homme de 25 ans originaire du Kansas, a fait partie du groupe de personnes ayant participé à l'élaboration du document "L'Église est notre maison". Ce jeune homme trisomique explique qu'il a aidé son église de diverses manières. "J'ai été servant d'autel, j'ai participé à l'enseignement de l'éducation religieuse avec mon père et je suis actuellement lecteur. J'ai également participé au spectacle de la veille de Noël pour les enfants et j'ai décoré l'église à Noël et à Pâques", explique Nolan.
Le pouvoir de la prière
José María est le septième enfant de Teresa Robles, qui a également un fils autiste. José María lutte également contre la leucémie depuis des années et s'est heurté à des préjugés médicaux dans son combat : "On nous a encouragés à aller aux soins palliatifs... nous n'accordons pas une grande valeur à la vie d'une personne handicapée". Teresa a fondé le compte Instagram @ponundownentuvida, qui a mobilisé plus de 40 000 followers et un réseau de prière mondial. "Le meilleur réseau social est la communion des saints", affirme-t-elle. Teresa décrit l'"effet José María" : "Ils transforment les cœurs sans violence. Un jour, un conducteur en colère a vu José María sourire... et son visage a changé. Pour elle, son fils est venu "pour changer le regard des gens, pour faire un monde meilleur".
Le pouvoir de la prière et la communauté sont des piliers : Teresa Robles a fait l'expérience du "pouvoir de la prière, qui est physiquement perceptible". Lorsque José María n'a pas pu recevoir la greffe, "j'ai senti une force surhumaine". Ce réseau comprend des gestes œcuméniques : deux femmes musulmanes lui écrivent : "Elles allaient prier pour José María parce qu'elles priaient le même Dieu... Cela m'a beaucoup émue".
Rendre la différence visible
Des initiatives telles que les Cafés Joyeux à Paris, qui emploient des personnes handicapées à quelques mètres de l'Arc de Triomphe, montrent que l'inclusion sur le lieu de travail est possible. Son fondateur, Yann Bucaille-Lanrezac, a reçu le prix de l'entrepreneur social du Boston Consulting Group.
Cilou, artiste français qui a composé une chanson et une chorégraphie pour Louis, un enfant atteint de trisomie 21, souligne que "la joie de la trisomie 21 nous conduit à être authentiques". Cette authenticité est ce que le pape François a promu dans le cadre de la "révolution de la tendresse" : un antidote à la culture du jetable. Les sociétés saines intègrent tout le monde dans le "nous". Cilou, par exemple, a eu envie de composer une chanson inspirée par Luis, intitulée "Viva la diferencia".
Ministère des personnes handicapées
Suivant les directives des conférences épiscopales, les paroisses commencent à adapter les rites et les espaces pour que les enfants et les adultes ayant une déficience intellectuelle puissent vivre les sacrements d'une manière qui leur permette de mieux les comprendre. Par exemple, pour la catéchèse, des pictogrammes sont utilisés pour expliquer le rite de manière visuelle, permettant une meilleure compréhension des gestes, des symboles et des mots. Les célébrations sont intimes, avec un nombre réduit de places assises, afin d'éviter toute surstimulation sensorielle.
Le sacrement de pénitence est également transformé. Dans certaines paroisses, les confessions sont accompagnées de dessins qui aident à comprendre des concepts tels que le péché, le pardon et la réconciliation. Des guides de soutien facilitent la communication et des espaces de silence ont été créés, sans lumière ni stimuli sonores, pour favoriser une atmosphère de recueillement. "Il ne suffit pas d'installer des rampes. Nous devons changer notre façon de voir la vie de l'église", déclare la mère d'un fils handicapé.